"Sans la liberté de pédaler, il n'y a pas de vignoble flatteur"
Cahiers de notes de Camille Labour (Extraits)
J'affirme que IVV n'a rien inventé.
Thierry |
Mon grand-père avec mes oncles Jean (assis) et Robert (debout) |
Cahiers de notes de Camille Labour (Extraits) - 1ère partie St Mandé A Rouen A Bicyclette " Voyons Madame un peu d'énergie; à peine dix kilomètres nous séparent de Rouen; vous ne voudriez pas échouer au port. Cette conversation pouvait s'entendre au pied des hautes falaises crayeuses sur la route nationale entre St.-Crespin et Amfreville-la Mie Voie, c'est-à-dire à quelques kilomètres de Rouen dont la haute flèche se détachait dans l'azur du ciel. En la personne de Jean Sans Terre (Pierre Giffard), le petit Journal ne dérogeant pas à sa règle annuelle, avait organisé un concours de voiture automobile, c'est à dire remplacer la traction animale par une impulsion mécanique quelconque, laissant du reste aux concurrents et inventeurs toute latitude d'adopter l'agent liquide ou fluide qui leur paraîtrait le plus propre à actionner la locomotion du véhicule. C'est pourquoi le dimanche 22 juillet an de grâce 1894 (retenez bien cette date mes arrière petits enfants) (Caroline Elisabeth ses arrières petites filles - Guy) à 5 heures du matin ma bonne bicyclette légèrement huilée et moi confortablement restauré nous partions gaiement de St. Mandé l'une portant l'autre mettant le cap sur la Normandie. Paris reposant encore des fatigues de la veille fut facile à traverser et à part un arroseur municipal qui me fit faire des cheveux blancs dans les Champs-Élysées j'arrivai sans plaies ni bosses à l'Avenue du Bois de Boulogne que je descendis rapidement. Je me jetais dans le bois par la charmante route de Suresnes, successivement défilèrent à mes cotés le lac, la cascade, la pelouse de Longchamp, le Pré Catelan, puis le taillis se resserrant, se firent de chaque coté du chemin des échappées de sous bois ombrés d'émeraude et tachetés par-ci par-là des rayons de soleil perçant le feuillage épais, tout cela emperlé de rosée donnait une fraîcheur parfumée à l'allée solitaire où je roulais. Afin d'éviter les désagréables ondulations que forme entre St. Germain et Mantes la route de Quarante Sous, surtout vers Ecqueviller et Flins on eut le bon esprit de délaisser celle-ci pour la route passant par Poissy, Triel et Meudon - beaucoup plus plane. Un nuage de poussière dans la forêt de St. Germain m'indiqua les voitures; je dépassai la seconde; quant à la première malgré que je pédalasse avec fureur je n'y serais parvenu sans un arrêt de 10 minutes qu'elle fit à l'entrée de Poissy. En traversant le pont de Poissy je mis pied à terre et m'accoudai un instant au parapet admirant le superbe paysage que forment les îles boisées au milieu du large fleuve et plein pour moi de si charmants souvenirs. Je jette aussi un coup d'oeil à la perspective des hauteurs de Villennes, puis je saute en selle et en route. Cette furia dura jusqu'au de là de Triel puis mon allure se ralentit un peu forcément pour le long passage de Vaux néanmoins je roulais encore à un joli train et me retrouvais passé Vaux aux cotés de la voiture n°4, celle du centre de Dion dans laquelle avaient pris place outre le comte, Jean Sans Terre, le capitaine Place qui plus loin changea de voiture et le prince de Sagan. Cette voiture loin d'être gracieuse était plutôt lourde et formait deux parties distinctes: le moteur posé sur roues et la voiture, le premier pouvant s'adapter à toutes sortes de véhicules. A part le pavage désagréable de Meulan la route reste magnifique jusqu'à Mézy : à droite s'élèvent de hautes collines dont nous côtoyons la base bordée de maisonnettes toutes enguirlandées de clématites en fleurs ou de chèvrefeuille. Le long de la route ce sont toujours des paysans debout ou appuyés sur leurs bufs ou leur charrue, d'autres simplement assis sur le rebord de la route attendent patiemment; aux abords des villages des habitants assis sur le gazon en famille plusieurs ont des paniers de provisions afin d'assister au passage des fameuses voitures en déjeunant sur l'herbe. Une montée raide vint encore ralentir ma marche et mon allure modérée me permet de jouir de la pittoresque campagne qui se déroule à droite et à gauche devant nos yeux. A gauche j'aperçois Epône sur l'autre rive ainsi que la trouée de la vallée de la Mauldre qui s'enfonce entre deux chaînes de collines vers Maule et Beynel et dont le fond lointain est bleui dans la brume du matin. Juziers, Gargenville, Issou sont franchis à allure moyenne avec des alternatives de côtes et de descentes, puis enfin du sommet d'une dernière colline je découvris tout près la ville de Mantes. Dans Limay je m'égarais dans une mauvaise rue en traverse sans trottoirs dont le ruisseau courant au milieu formait plutôt une sorte d'ornière où ma bicyclette subissait péniblement les chocs des chaos de pavés. Cette rue bordée de vieilles maisons délabrées me conduisit après maints détours à l'ancien pont de Mantes que je jugeai par trop décrépit et suivis la rive l'espace de deux cent mètres, j'atteignis le mauvais pont au même moment que la voiture de comte de Dion. Un coup de canon tonna à mes pieds à la minute où nous franchissions le pont de Mantes; modestement je m'adjugeai ma part du canon tiré en l'esprit du canonnier en l'honneur de la voiture seule. C'est très fier et au milieu d'une foule considérable que je fis le parcourt du pont à l'hôtel du Cheval Blanc but de la première étape (11h05 59k7de St. Mandé). Dans la cour où je redescendis plusieurs voitures étaient arrivées et entourées d'innombrables visiteurs examinant curieusement les nouvelles voitures, omnibus, phaéton etc. Dont les chevaux étaient désormais exclus. |
Quelques liens pour en savoir plus sur la course automobile Paris -Rouen de 1894 : http://www.amaf.asso.fr/acf/accueil.htm http://www.autoworld.be/fr/3-2.htm http://www.cnam.fr/museum/revue/ref/r24a06.html |